Les horloges astronomiques en France
Bien avant l’ère de l’heure atomique, les horloges astronomiques ont été imaginées pour séquencer le temps et déterminer les dates des fêtes religieuses. Découverte de ce patrimoine historique précieux.
La nécessité de mesurer le temps a toujours été l'une des préoccupations majeures des sociétés pour coordonner les activités humaines et organiser la vie religieuse et économique. Les phénomènes naturels, cycliques et facilement observables (déplacement du Soleil pendant la journée, phases de la Lune, retour des saisons) ont servi de base pour la réalisation des premiers calendriers. Quant au jour, qu'il soit sidéral ou solaire, il constitue la plus petite unité de durée que la nature met directement à notre disposition.
Pour subdiviser le jour en heures, on a d'abord inventé le cadran solaire et pour la nuit, les clepsydres ou horloges à eau. Malheureusement, ces deux instruments présentent un inconvénient majeur : ils indiquent un temps irrégulier. Il faut attendre 1657 pour que l'astronome et mathématicien Christiaan Huygens invente le pendule afin de réguler les horloges mécaniques, et 1670 pour que l'horloger anglais Robert Hooke invente l'échappement à ancre, permettant d'entretenir les oscillations du pendule et d'en réduire le cheminement. A partir de ce moment, l'Homme peut enfin bénéficier d'un temps "contrôlé".
En Europe, les premières horloges entièrement mécaniques apparaissent dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Leur paternité a souvent été attribuée à Gerbert d'Aurillac, archevêque de Reims et futur pape de l'an mil sous le nom de Sylvestre II. Étrangement, elles sont tombées dans l'oubli pendant près de trois cents ans. Leur fonction première était de sonner les quarts et les heures. Elles ne possédaient ni cadran, ni aiguille, et leur énergie provenait de la chute d'un poids accroché à une corde, elle-même enroulée autour d'un cylindre. Il n'était pas rare que ces horloges retardent d'une heure toutes les 24 heures !
LE GROS HORLOGE DE ROUEN
Au XVIe siècle, les horloges sont encore peu nombreuses du fait de leur prix élevé. En posséder une est un signe de fierté et de richesse, aussi se trouvent-elles dans les châteaux ou les églises où elles règlent la vie des hommes. Il ne faut pas oublier que ces horloges sont également des curiosités locales qui attirent les pèlerins, constituant une source de revenus non négligeable déjà à cette époque.
Si ces premières horloges sont capables de donner l'heure, celles qui leur succèdent proposeront bien plus : calendrier, position du Soleil et de la Lune, date de la fête de Pâques notamment. Car leurs concepteurs vont repousser les limites de leur art en cumulant de multiples talents : astronome, mathématicien, mécanicien, capacité d'invention et originalité. Ces horloges plus élaborées se présentent essentiellement sous deux formes, qui reflètent l'évolution de notre conception de l'Univers (passage du géocentrisme à l'héliocentrisme).
LES HORLOGES ASTROLABES
Ainsi, les horloges construites avant le XVIIe siècle sont essentiellement des horloges "astrolabes" à mouvements concentriques. Elles représentent le ciel et les mouvements apparents des astres tels qu'on les perçoit depuis la Terre (vision géocentrique). C'est le cas des horloges de Lyon (1383, constructeur inconnu), de Bourges (1423, réalisée par Jean Fusoris), de Saint-Omer (1558, construite par Pierre Engueran) et de la deuxième version de l'horloge de Strasbourg (1574) que l'on doit à Conrad Hasenfratz, plus connu sous le nom de Dasypodius.
ASTROLABE DE L'HORLOGE ASTRONOMIQUE DE LYON
Sur ces horloges, le bord extérieur est un cadran horaire, gradué en deux fois douze heures. L'heure est donnée par l'alidade, une aiguille unique qui accomplit un tour en 24 heures et sur laquelle un mécanisme permet au Soleil de coulisser afin de reproduire sa hauteur en fonction des saisons. Généralement, midi est en haut du cadran et minuit en bas.
Le tympan constitue le fond de l'astrolabe. On y retrouve les graduations permettant de déterminer la hauteur des étoiles (lignes de hauteur et d'azimut, mais aussi lignes d'horizon afin de déterminer les heures de lever et de coucher du Soleil), ainsi que les heures temporaires : en effet, depuis l'Antiquité, le jour et la nuit sont respectivement découpés en 12 heures, et la durée de chaque heure varie en fonction des saisons.
ASTROLABE DE L'HORLOGE ASTRONOMIQUE DE BOURGES
L'araignée est la partie mobile. Elle accomplit un tour en un jour sidéral de 23 heures 56 minutes. Elle comporte plusieurs cercles :
le cercle extérieur, gradué en 365 jours, sous lequel on retrouve les douze mois de l'année ;
un cercle décentré représente l'écliptique, sur lequel on retrouve les douze signes du zodiaque. Le Soleil, situé sur l'alidade, est associée à ce cercle, de manière à parcourir l'écliptique en une année ;
enfin, le cadran de la Lune, représentée par une boule dont la moitié est peinte en noir, accomplit un tour en environ 29,5 jours. Au fil des jours, on peut remarquer le mouvement de la Lune et en déterminer ses phases.
Au cours des siècles, ces horloges ont été plusieurs fois réparées, voire complétées. A Lyon, le cadran des minutes est ajouté en 1660. A Bourges, le cadran horaire (heures et minutes) date de 1872.
LES HORLOGES APRÈS GALILÉE
Après les observations de Galilée et l'avènement de l'héliocentrisme, les horloges changent d'aspect et présentent des cadrans séparés sur lesquels on s'efforce d'illustrer les mouvements réels des astres, avec notamment la position des planètes autour du Soleil. On retrouve ainsi des planétaires héliocentriques sur les horloges de Besançon (1863) et de Beauvais (1869), toutes deux réalisées par Auguste-Lucien Vérité et sur la troisième version de l'horloge de Strasbourg, conçue en 1842 par Jean-Baptiste Schwilgué. Souvent d'une hauteur monumentale, on peut les décomposer en trois parties distinctes : le calendrier, le comput ecclésiastique et les automates.
PLANÉTAIRE DE L'HORLOGE ASTRONOMIQUE DE BESANÇON
La mesure du temps étant la fonction de base de toutes horloges, on retrouve donc l'indication de l'heure locale et le temps universel, auxquels s'ajoutent le jour, le quantième du jour, le mois et l’année. La difficulté est de prendre en compte les années bissextiles et la réforme grégorienne de 1582. En effet, l'année bissextile a été introduite par Jules César sur la base d'une année de 365 jours et 6 heures. Cette règle, qui entraîne un décalage par rapport à l'année tropique (intervalle de temps déterminant le retour des saisons) a été modifiée par le pape Grégoire XIII en 1582 avec la règle suivante : les années dont le millésime est divisible par 4 sont toujours bissextiles, sauf les années séculaires (multiple de cent) dont les deux premiers chiffres forment un nombre qui n'est pas divisible par quatre. Ainsi, 1700, 1800 et 1900 deviennent des années communes, alors que 1600 et 2000 sont bissextiles.
CALENDRIER DE L'HORLOGE ASTRONOMIQUE DE REIMS
Parfois, certains cadrans sont consacrés aux heures de lever et de coucher du Soleil, mettant ainsi en évidence la variation de la durée des jours. Les horloges de Besançon et de Beauvais ont la particularité d'indiquer les heures des marées au Mont-Saint-Michel, chose assez inattendu pour des villes qui ne sont pas à proximité de la mer.
HEURE DES MARÉES AU MONT SAINT MICHEL SUR L'HORLOGE DE BESANÇON
Le comput ecclésiastique regroupe quant à lui les différents éléments nécessaires pour déterminer la fête de Pâques. Le calcul de cette fête est bien sûr important du point de vue religieux, mais également pour la vie civile, car de cette fête découle l'Ascension (40 jours après Pâques) et la Pentecôte (10 jours après l'Ascension) ainsi que les jours fériés correspondants.
COMPUT ECCLÉSIASTIQUE DE L'HORLOGE DE BEAUVAIS
Quant aux automates, on peut lire dans Les Horloges astronomiques et monumentales les plus remarquables d'Alfred Ungerer, qu’avec les carillons, ils étaient primitivement destinés à attirer le peuple vers l'église et à distraire les fidèles pendant les offices tenus en langue latine. Paradoxalement, c'est pour cette même raison que l'horloge astronomique du Mans sera détruite en 1770 ! Le jeu des automates n'est donc que purement anecdotique, mais il a le mérite d'attirer devant ces merveilles les badauds souvent ignorants des subtilités de ces horloges.
UN PATRIMOINE A PRÉSERVER
Aujourd'hui, ces horloges font partie intégrante de notre patrimoine culturel, artistique et scientifique. Elles nous rappellent combien il fut difficile de mesurer le temps de manière précise et de se mettre d'accord sur la définition de l'heure légale. A l'époque des satellites et de l'Internet et à l'ère de l'heure atomique, il est important de sauvegarder le travail de nos prédécesseurs, sous peine de le voir un jour disparaître.