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Aux origines des constellations : la Vierge


La constellation de la Vierge dans l'atlas d'Hevelius (1690)

Mystérieuse figure que cette constellation de la Vierge ! Allongée sous le Bouvier, coincée entre les majestueuses constellations du Lion et du Scorpion, la plus étendue des constellations zodiacales est pourtant composée d’un vaste ensemble d’étoiles de faibles luminosités. Si l’origine mésopotamienne de la figure ne semble faire aucun doute, l’identité du personnage représenté est tout autre. Pour certains, il est le symbole de la justice. Pour d’autres, il représente la déesse de la fertilité et des moissons.

Comme toutes les constellations zodiacales, la Vierge est mentionnée sur les tablettes mésopotamiennes MUL.APIN (datant du VIIe siècle avant J-C, mais dont les données astronomiques remontent aux XIIIe/XIIe siècles avant J-C), sous le nom AB.SIN « l'épi ». Cette désignation nous indique que le point de départ de cette figure est certainement l'étoile Alpha Virginis, étoile la plus brillante de la constellation, que nous appelons aujourd'hui Spica "l'épi". Les autres étoiles de cette partie du ciel sont peu lumineuses. Il est donc probable que le personnage de la jeune femme ailée n’est était créé que pour donner plus de consistance à la présence de cet épi. Il permet ainsi d’assurer une cohérence avec le récit mythologique, comme ce fut le cas avec la création de la constellation voisine, celle du Bouvier, conçue autour de l’étoile Arcturus, ou le personnage du porteur d’eau imaginé pour porter l’urne du Verseau.

Constellation de la Vierge sur une tablette babylonienne.

LA TABLETTE AO6448 EST UN CALENDRIER AGRICOLE, SUR LAQUELLE FIGURE LA CONSTELLATION DE LA VIERGE (MUSEE DU LOUVRE-LENS)

Une des plus anciennes représentations de cette constellation est visible sur la tablette mésopotamienne AO 6448 datant du IIe siècle av J-C, mais dont le texte est probablement une copie d’un document datant du XIIe siècle av J-C. On y voit une jeune femme tenant un épi de blé. Le texte mésopotamien précise qu’il s’agit de la déesse Sala. Cette dernière est parfois interprétée comme Ishtar, déesse de l’amour et de la guerre.


Les Grecs eurent connaissance de cette constellation au mieux, à partir du VIe siècle av J-C, période où Cléostrate de Ténédos passe pour avoir fait découvrir les constellations de l’écliptique à ses contemporains. Au plus tard, la constellation est connue au IVe siècle av J-C, car elle est mentionnée par Eudoxe (vers 400-350 av J-C) mais sous le nom d'Atargatis, déesse syrienne des eaux et des sources. Les grecs eurent bien du mal à intégrer cette figure dans leur mythologie. En témoigne Aratos (315-245 av J-C) qui se demande « est-ce la fille d’Astréos, dont on dit qu’il fut le père des constellations, ou bien de quelqu’un d’autre ? » et Ératosthène (276-194 av J-C) qui précise « il court sur cette constellation un grand nombre de traditions divergentes : il s’agirait, selon elles, tantôt de Déméter à cause de l’épi qu’elle tient, tantôt d’Isis, mère de la nature entière, tantôt d’Atargatis, ou encore de Tychè … ».

Constellation de la Vierge dans l'atlas de Bayer (1603)

LA CONSTELLATION DE LA VIERGE DANS L'ATLAS DE BAYER (1603)


LE SYMBOLE DE LA JUSTICE

Cependant, dans les Travaux et les Jours (VIIIe siècle av J-C), Hésiode mentionne déjà la Vierge comme la représentation de Diké, fille de Zeus et Thémis, déesse grecque de la Justice. Ce mythe bénéficie du fait que Diké est la seule déesse céleste, les autres vivants principalement sur l’Olympe. A l’origine, cette déesse philanthrope vivait aux milieux des hommes pour les instruire. Ératosthène poursuit le récit « lorsque l’humanité se dégrada et n’observa plus la justice, elle cessa de vivre au milieu d’eux et retourna dans ses montagnes. Puis, quand les hommes furent plongé dans les luttes intestines et les guerres, elle retourna vivre dans les cieux ». Lors de son retour au ciel, on la représenta tenant la balance, lorsque du Scorpion qui la suit, on aura détaché les pinces et les aura transformé en plateau.


LA DÉESSE DE LA NATURE

L’assimilation de la Vierge à la déesse de la nature est certainement due à la présence de l’étoile Spica « l’épi ». Mais aucun des levers ou couchers de l’étoile ne correspond avec la période des moissons. La constellation serait alors interprétée comme la gardienne des graines. Ce thème de la mère nature est renforcé par la présence de l’étoile Vindemiatrix (epsilon Virginis). Le lever matinal de cette étoile se produisait à la fin août à l’époque hellénistique, annonçant ainsi la période des vendanges. Les grecs raccrocheront la constellation au mythe de Perséphone et Déméter. Déméter (Cérès pour les Romains), fille des titans Cronos et Rhéa, était la déesse de la Terre, la mère nourricière dont dépend la fertilité des sols. Elle adorait sa fille Perséphone. Un jour, cette dernière disparue, enlevée par Hadès. Ce dernier souhaitait l’épouser. Accordée aux humeurs de la déesse, la Terre devint stérile tant que Déméter fut inconsolable de la perte de sa fille. Finalement, Zeus intercédant auprès du dieu des Enfers. Hadès accepta alors que son épouse passa six mois de l’année auprès de sa mère (lorsque la constellation se situe au-dessus de l’horizon). Puis, lorsque la constellation n’est plus observable, Perséphone rejoint son mari aux Enfers, et l'hiver s'installe sur la Terre.


D’AUTRES INTERPRÉTATIONS

Mais la position de la Vierge située sous les pieds du Bouvier permet de suggérer d’autres interprétations. Pour Virgile, il s’agit d’Erigone « la bien née », fille d’Icarios qui lui, serait identifié au Bouvier. Hygin relate également cette version : « Erigone est le signe de la Vierge que nous appelons Justice, Icarios est appelé Arcturus parmi les étoiles, et leur chien Maera est le Petit Chien ». Finalement, ce sont les auteurs romains Hygin et Cicéron qui donneront le nom de « Vierge » à la constellation (Virgo en latin).

ORIGINE DU NOMS DES ÉTOILES DE LA VIERGE :

REPRÉSENTATION MODERNE DE LA VIERGE. LES ÉTOILES SONT DÉSIGNÉES

SELON LA NOMENCLATURE DE BAYER (lettre grecque).

Spica (alpha Vir) : du latin « l'épi »

Zavijava (bêta Vir) : ?

Porrima (gamma Vir) : du nom de la divinité latine des accouchements.

Auva (delta Vir) : probablement une déformation de Minelauva, de l'arabe Min al awwa « le hurleur » ?

Vindemiatrix (epsilon Vir) : du latin « celle qui annonce les vendanges » car son lever héliaque correspond à la période des vendanges.

Heze (zêta Vir) : ?

Zaniah (êta Vir) : de l'arabe al-Zawiyah "un angle" ou "le coude"?

Syrma (iota Vir) : du grec surma « la traine de la robe »

 

BIBLIOGRAPHIE :

Encyclopédie du ciel, Arnaud Zucker (sous la direction de), Ed : Bouquins/Robert Laffont (2016)

Les noms d'astres et de constellations, André Le Boeuffle, Ed : Les Belles Lettres (1977)

Le ciel des Arabes, Roland Laffitte, Ed : Geuthner (2012)

 

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