Le cosmos mystique d'Hildegarde de Bingen

Né en 1098 à Bemersheim (Rhénanie), Hildegarde est la benjamine de onze enfants. Très jeune, elle a des visions, ce qui convainc ses parents de la consacrer à Dieu. A 8 ans, elle entre au couvent de Disibodenberg où elle apprend l’écriture et le latin. On lui refuse cependant l’enseignement du trivium (grammaire, dialectique et rhétorique) et du quadrivium (arithmétique, géométrie, musique et astronomie). Ainsi, pour son époque, elle est considérée comme ignorante.
Très prolifique, elle écrit de nombreux ouvrages sur l’histoire naturelle et l’usage des plantes médicinales. Elle est également l’auteure de compositions musicales qui sont encore à l’origine de sa notoriété actuelle.
A 38 ans, devenue abbesse du couvent, elle estime qu’elle a reçu l’ordre de Dieu de rendre ses visions publiques. Encourager par le pape Eugène III, sa notoriété grandie, et elle devient connue dans toute l’Europe. De nombreuses jeunes filles nobles souhaitent étudier auprès d’elle. Hildegarde décide alors de quitter Disibodenberg pour fonder son propre couvent à Rupertsberg, une colline qui domine le Rhin. Elle obtient la protection de Fréderic Barberousse (1122-1190), empereur du Saint-Empire Romain Germanique, et Rupertsberg devient l’un des plus prestigieux couvents d’Europe.
Les écrits et visions d’Hildegarde témoignent des connaissances scientifiques de son époque, mais également de l’aura intellectuelle dont bénéficiaient les femmes des couvents du Moyen Age.
LE SCIVIAS
Ecrit entre 1141 et 1151, l’ouvrage regroupe 26 visions d’Hildegarde. Son titre réunit en un seul mot le verbe latin scire (savoir) et via (la voie). On peut ainsi le traduire par « Sache les voies [de Dieu]».

REPRESENTATION DE L'UNIVERS SELON HILDEGARDE DE BINGEN
Dans sa troisième vision, l’auteure décrit l'Univers comme « une formation géante ronde, imprécise » qui « s’affine vers le haut comme un œuf ». Il est entouré du feu de la vengeance divine et d'une nuée sombre (les projets du diable). Trois torches (la Trinité) alignées en haut au-dessus d'un globe de flammes rougeoyantes (Le Christ) alimentent le feu lumineux, d'où sort une sorte de vent (la parole de Dieu). Une autre source de vent et un feu ténébreux (propos et piège du diable) agitent la nuée sombre qui abrite l'éther où baigne un globe ardent (la Lune) surmonté de nouvelles torches (les lumières de l'ancien et du nouveau testament) et une multitude de sphères brillantes (les étoiles et les œuvres bienheureuses). Dans l'éther, une troisième source de vent représente un message, né de l'unité de la foi et destiné au secours des hommes. Enfin, au milieu du monde, la Terre est représentée sous la forme d'un globe, composée de l'eau et de l'air.
LE LIVRE DES HEURES DIVINES

SELON HILDEGARDE, LE MICROCOSME HUMAIN EST A L'IMAGE DU MACROCOSME CÉLESTE :
LE PREMIER SE COMPOSE DE QUATRE HUMEURS
TOUT COMME L'UNIVERS SE COMPOSE DE QUATRE ÉLÉMENTS
Rédiger en 1162, le Liber Divinorum Operum (le livre des heures divines) propose une vision originale du monde, mi-allégorie mystique, mi-modèle scientifique, mélange de spiritualité chrétienne et de théories pythagoriciennes. Hildegarde y décrit un univers composé de sphères concentriques, centrées sur la Terre. Elle développe une idée fort commune au Moyen-âge, à savoir que le microcosme humain est à l’image du macrocosme céleste. « Dans la rotondité de la tête humaine, c’est la rotondité du firmament que l’on retrouve. Les dimensions justes et rigoureuses du firmament correspondent aux mêmes dimensions de la tête de l’homme ». La construction du corps humain reflète celle de l’univers physique, à chaque élément de son corps correspond un objet céleste. Ainsi, la tête de l'homme est ronde comme le ciel, il possède sept orifices (les sept planètes connues à l'époque), et il a deux yeux : le Soleil et la Lune.
Les éléments célestes peuvent agir sur les humeurs de l’homme, et les dérangements célestes peuvent être à l’origine des maladies. Mais Hildegarde prend soin de distinguer sa théorie des interprétations astrologiques. Ainsi, ses théories avaient un certain caractère scientifique dans la mesure où elles étaient réfutables. Et d’ailleurs aujourd’hui réfutées, elles n’ont plus d’intérêt que pour l’histoire des sciences.
