Galilée (1564-1642) Biographie
Portrait de Galilée, l'un des premiers savants à diriger une lunette vers le ciel, et à remettre en cause les idées d'Aristote.
Rome, 17 février 1600. Giordano Bruno est brûlé vif par l'Inquisition. Cet ancien moine dominicain revendiquait haut et fort son adhésion au système de Copernic. Il déclarait à qui voulait l'entendre que l'Univers est infini et que les étoiles sont d'autres soleils. Provocateur, il aimait remettre en cause la création divine. C'est pour cette idée entre autres que le Saint-Office le condamne pour hérésie. Désormais, dans une Europe en pleine Contre-Réforme, ceux qui osent contredire l'autorité de l'Eglise mettent leur vie en jeu. Malgré cette menace, un autre homme va pourtant clamer haut et fort que l'Univers est bien différent de celui qui est couramment admis : Galilée.
Galilée (Galileo Galilei en italien) est né à Pise, le 15 février 1564. Il est le fils d'un luthiste virtuose, Vincenzo Galilei, dont les talents de mélomane lui rapportent peu. Pour subvenir aux besoins de la famille, il est commerçant de tissus. Ces besoins financiers orientent le jeune Galilée vers des études lucratives : il suit un cursus de médecine à l'université de Pise. Mais cette discipline ennuie terriblement le jeune homme, qui se passionne bientôt pour les mathématiques. Après quatre années, il abandonne l'université et retourne chez ses parents, à Florence, où ils habitent depuis 1575.
ENTRE ASTRONOMIE ET MATHEMATIQUES
Doté d'un esprit rationnel et d'une grande curiosité, Galilée réalise diverses expériences pour valider ses réflexions. Cette démarche scientifique est rare à l'époque. En effet, jusqu'au XVIIe siècle, les savants se contentent de commenter les idées et les ouvrages de leurs prédécesseurs, la référence en astronomie étant le grand Aristote et ses idées qui datent… du IIIe siècle avant J.-C. ! Ambitieux, sûr de lui au point d'être terriblement orgueilleux, Galilée n'hésite pas à critiquer le savant grec lorsque les résultats de ses expériences l'y obligent.
Grâce à ses relations dans le milieu intellectuel florentin, il obtient la chaire de mathématiques de l'université de Pise en 1589. Mais deux ans plus tard, son père meurt. Il hérite alors de deux sœurs à marier et à doter, et d'une mère et d'un petit frère à nourrir. Jouant de ses relations, il obtient un poste un peu mieux rémunéré, comme professeur de mathématiques à l'université de Padoue. Après le mariage de sa première sœur, Galilée est déjà fortement endetté. Rapidement, sa deuxième sœur se marie et il promet au mari une somme considérable. Acculé, il n'a d'autre choix que de prendre en pension de riches élèves qu'il héberge, tout en leur dispensant des cours de sciences militaires. Parmi eux se trouve Cosme II de Médicis, futur grand-duc de Toscane. Le savant italien se lance également dans la fabrication et la vente d'instruments de mesures (compas militaire, règle de calculs) dont il rédige les notices manuscrites. Mais Galilée alourdit également ses charges avec l'entretien de sa maîtresse, Marina Gamba, qui lui donne deux filles et un fils. Faute d'argent, il sera contraint de placer ses deux filles au couvent.

L'ITALIE A L'EPOQUE DE GALILEE. LE PAYS EST DECOUPE EN PLUSIEURS ETATS ET DUCHES SUR LESQUELS REGNENT DES FAMILLES RIVALES
Au début du XVIIe siècle, l'Italie est découpée en plusieurs pays où l'on parle la même langue, mais où les gouvernements sont différents. Ceux-ci siègent dans des villes rivales, capitales de princes ambitieux. Le Nord de la péninsule est divisé en plusieurs duchés : Milan, Parme ou Grand duché de Toscane. Le centre est occupé par les Etats pontificaux, et tout le Sud est couvert par le royaume de Naples. L'appartenance de Padoue à la république de Venise garantit aux artistes et aux savants qui y résident une grande liberté intellectuelle, car l'Inquisition y est très peu puissante. Du côté scientifique, les observations de Tycho Brahe ont placé les savants face à un nouveau dilemme. S'il devient évident que le système aristo-ptoléméen est faux, par quoi le remplacer ? Si les sphères cristallines portant les planètes n'existent pas, quelle est l'origine du mouvement des planètes ? Ces questions ont lancé Kepler sur la piste des orbites elliptiques. Elles orientent Galilée sur l'étude du mouvement.
En 1602, le savant italien entreprend des travaux sur les plans inclinés et les mouvements du pendule. Ses recherches lui permettent de découvrir la loi sur la chute des corps : dans le vide, les objets tombent à la même vitesse, indépendamment de leur masse et de leur nature. En 1604, tout comme Kepler, il observe la nova dans la constellation d'Ophiuchus. Les deux savants arrivent à la même conclusion : cet événement remet en cause la thèse d'Aristote sur l'immuabilité du ciel, ce qu'avait déjà confirmé Tycho Brahe avec la nova de 1572.
LA DECOUVERTE DE LA LUNETTE

AU COURS DE SA VIE GALILEE A CONSTRUIT UNE SOIXANTAINE DE LUNETTE.
CELLES-CI ETAIENT PEU LUMINEUSES, LEURS DIAMETRES NE DEPASSAIENT PAS 3 CENTIMETRES
ET LEURS QUALITES ETAIENT INEGALES
Mais pour le moment, les occupations de Galilée ne lui laissent guère de temps pour publier les résultats de ses recherches. Âgé de 46 ans et couvert de dettes, il lui faut trouver une idée pour se renflouer. En 1609, il découvre ce qui n'est encore qu'un jeu pour les enfants : deux lentilles mises l'une devant l'autre, qui permettent de grossir une image. Cette lunette sommaire existe déjà depuis cinq ans, elle vient de Hollande et se répand peu à peu dans toute l'Europe. Dès 1608, on en trouve chez des opticiens à Paris. Mais ces lunettes équipées de lentilles destinées à corriger la vue n'ont pas beaucoup de succès. De mauvaise qualité, elles montrent des choses floues ou déformées.
Galilée comprend très vite l'intérêt qu'il peut tirer d'une telle invention. Bien qu'il ne soit pas opticien, il se lance dans la construction d'une lunette dont il améliore la qualité des lentilles. Le 21 août 1609, il présente au doge et au Sénat de Venise son meilleur instrument, une lunette grossissant huit fois, et leur démontre l'intérêt militaire de l'instrument : on voit apparaître les navires à l'horizon deux heures avant qu'ils ne soient visibles à l'œil nu ! C'est un succès : en échange de cette invention, il obtient un poste à vie et le doublement de son salaire, ce qui est malheureusement encore insuffisant pour éponger ses dettes.

LE 21 AOUT 1609 GALILEE PRESENTE LA LUNETTE AU DOGE ET AU SENAT DE VENISE
En décembre 1609, le savant italien construit sa cinquième lunette, celle qui va lui permettre de réaliser ses plus grandes découvertes. Il pointe l'instrument capable de grossir vingt fois vers la Lune et observe pour la première fois ses cratères. En quelques nuits, il découvre des étoiles invisibles à l'œil nu et la véritable nature de la Voie lactée. Du 7 au 13 janvier 1610, ce sont les quatre principaux satellites de Jupiter qui se révèlent à lui. Afin de préserver ses découvertes, il prend alors le temps de rédiger un petit ouvrage. En mars, Sidereus nuncius (Le Messager des étoiles) est publié.

PAGE MANUSCRITE DE GALILEE RELATANT LA DECOUVERTE DES SATELLITES DE JUPITER. EN ROUGE, LES DIFFERENTES POSITIONS DES SATELLITES JOURS APRES JOURS
LES PREMIERES ATTAQUES
Après la publication de ce livre, Galilée, qui critiquait déjà ouvertement Aristote, se retrouve attaqué de toutes parts. Comme il ne peut apporter d'explication sur le principe optique de la lunette, certains accusent l'instrument d'altérer la vision. D'autres refont l'expérience et ne voient rien ! Et pour cause, trouver des lentilles de bonne qualité est rarissime à l'époque. Galilée n'a d'autre choix que de se tourner vers une personne dont il feint d'ignorer l'existence depuis douze ans : Johannes Kepler. Sans rancune, l'Allemand vient au secours de l'Italien avec son ouvrage Dissertatio cum nuncio sidereo (Conversation avec le Messager des étoiles).
En baptisant judicieusement les satellites de Jupiter "les astres médicéens" dans le Sidereus nuncius, Galilée a aussi révélé ses soutiens. La famille Médicis est l'une des plus importantes en Europe et Cosme II, son ancien élève, est devenu grand-duc de Toscane. De plus, après l'assassinat d'Henri IV, Marie de Médicis assure la régence de la France au nom de son fils Louis XIII. Mais Galilée a le mal du pays. Après vingt années passées à Padoue, il souhaite retourner en Toscane, la terre de son enfance. Cosme II lui donne alors le titre de mathématicien à Pise sans obligation d'enseigner et un salaire qui le met cette fois à l'abri du besoin. Il peut désormais consacrer tout son temps à la recherche, à la construction de nouvelles lunettes, aux observations nocturnes et prendre le temps de rédiger ses découvertes. Mais un retour dans le duché de Florence n'est pas sans risque, comme le lui rappellent ses proches. Contrairement à la république de Venise, l'Inquisition y est particulièrement active.
Toutefois, de retour à Florence à la fin de l'année 1610, Galilée poursuit ses observations du ciel. Il découvre les phases de Vénus puis, quelques semaines plus tard, il remarque l'aspect curieux de Saturne, sans comprendre toutefois que la planète est entourée d'anneaux (la paternité de cette découverte revient à Huygens en 1655). Ces nouvelles découvertes lui font adopter définitivement le point de vue de Copernic. A la même période, il obtient un soutien de poids : Clavius, chef des astronomes du Vatican, à qui l'on doit déjà la réforme grégorienne du calendrier, confirme ses observations sans pour autant se prononcer sur ses idées coperniciennes. Le 29 mars 1611, Galilée est reçu à Rome avec tous les honneurs. Le pape Paul V, un fervent défenseur de la Contre-Réforme, lui accorde même une audience privée. Galilée vient de remporter une première bataille.
L'HELIOCENTRISME INTERDIT
Mais bien que certains milieux ecclésiastiques comptent de fervents défenseurs du savant, d'autres craignent que ces nouvelles idées sapent les fondements de la cosmologie ancienne. Surtout, ils ne peuvent pas se permettent de laisser Galilée démontrer que toute leur science est fausse. La riposte est en marche, d'autant plus que l'autorité de l'Eglise est de plus en plus contestée par les protestants. Ces tensions dans toute l'Europe vont bientôt aboutir à la guerre de Trente ans. Les aristotéliciens font tout pour que les idées nouvelles en astronomie soient déclarées hérétiques, ressortant au passage un argument déjà opposé à Copernic : dans Josué, c'est le Soleil qui est arrêté, et non la Terre ! Cette contradiction entre les Ecritures et la théorie de Copernic est l'objet d'un réel malaise au sein de l'Eglise depuis près de quatre-vingt ans. Mais elle devient dangereuse avec les découvertes de Galilée et touche le grand public, car le savant rédige ses ouvrages en italien, langue accessible au plus grand nombre, et non en latin, la langue des sciences.
Le 24 février 1616, le couperet tombe : les théologiens du Saint-Office dirigé par le cardinal Bellarmin, celui-là même qui a instruit le procès de Giordano Bruno, rendent leur jugement. L'idée selon laquelle "le Soleil est le centre du monde et absolument immobile de mouvement local" est déclarée absurde en philosophie. Mais surtout, elle est reconnue comme hérétique en théologie, car en contradiction formelle avec les Ecritures. En conséquence, tous les ouvrages parlant de l'héliocentrisme sont mis à l'Index, dont le De Revolutionibus de Copernic. Quant à Galilée, il a l'interdiction formelle de défendre publiquement les idées coperniciennes de quelque manière que ce soit.
Pour le savant italien, le coup est rude. C'est le moment de se mettre au vert dans sa villa de Florence et de laisser passer l'orage. En 1621, Bellarmin meurt. Puis, c'est au tour de Cosme II de disparaître. Son successeur, Ferdinand II devient le nouveau protecteur de Galilée. Deux ans plus tard, son ami le cardinal Maffeo Barberini, rencontré lors d'un dîner chez les Médicis, devient pape sous le nom d'Urbain VIII. Le vent tourne, et Galilée pense que le temps est propice au retour des idées coperniciennes.
LE PROCES

SUR LE FRONTISPICE DU DIALOGO, ARISTOTE, PTOLEMEE ET COPERNIC
SONT REPRESENTES EN PLEINE DISCUSSION
Depuis longtemps, Galilée avait dans l'idée de rédiger un livre comparatif sur les systèmes géocentriques et héliocentriques. Publié en 1632, le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde est une véritable machine de guerre contre l'héritage aristotélicien. Fidèle à lui-même, Galilée y ridiculise les idées d'Aristote aux profits du système de Copernic. Malheureusement, s'il démontre clairement que les arguments soutenant les idées d'Aristote ne sont pas recevables, il n'apporte aucune preuve formelle en faveur du mouvement de la Terre. Et pour cause, celles-ci n'arriveront qu'en 1728, avec l'observation de l'aberration de la lumière par Bradley, puis en 1838 avec la découverte de la parallaxe stellaire par Bessel. De plus, ses observations à la lunette peuvent très bien s'expliquer avec le système géo-héliocentrique de Tycho Brahe, système qui a d'ailleurs les faveurs des jésuites. Enfin, très méfiant envers Kepler, l'Italien ne tiendra jamais compte des trajectoires elliptiques des planètes ni de la théorie d'une force d'attraction solaire proposée par l'Allemand, des éléments pourtant intéressants pour étayer la validité du système de Copernic.