Décorations célestes au château de Versailles

Les liens entre sciences et royauté apparaissent dans deux décors du château de Versailles : Le char de Jupiter entre la Justice et la Piété et Le triomphe de Saturne sur son char tiré par des dragons, tous deux réalisés par le peintre Noël Coypel entre 1670 et 1672. La première œuvre décore le plafond de la salle des gardes de la reine. La seconde est restée à l’état d’esquisse, destinée au plafond du salon de Saturne. Mais ce dernier fut détruit en 1678 pour laisser place à la Galerie des Glaces.
Les deux œuvres illustrent les découvertes astronomiques réalisées au temps du Roi-Soleil. Car au XVIIe siècle, l’astronomie est en pleine essor. Dès 1610, Galilée découvre avec sa lunette quatre satellites autour de Jupiter. Ils les nomment « étoiles médicéennes » en hommage à ses protecteurs. La même année, il observe Saturne. Ne comprenant pas la forme étrange de cette planète, il note qu’elle est dotée « d’oreilles » ! Il faut attendre 1656, pour que l’astronome hollandais Christiaan Huygens, équipé d’une lunette de meilleure qualité, découvre l’anneau de Saturne, ainsi que Titan, son plus gros satellite.
Louis XIV, qui a fait du Soleil son symbole, a bien compris l’intérêt des découvertes astronomiques pour son royaume, ainsi que le rôle important qu’elles allaient jouer dans le développement de la navigation. A partir de 1666, il finance la création de l’Académie des Sciences, et l’année suivante, celle de l’Observatoire de Paris. Aux académiciens, le pouvoir royal confère une protection. En retour, le royaume récupère le prestige symbolique des découvertes. Pour diriger l’Observatoire, le roi fait appel à Giovanni Domenico Cassini. Celui-ci découvre deux nouveaux satellites autour de Saturne : Japet en 1671, et Rhéa l’année suivante. Sur le modèle de Galilée, ils les nomment d’abord « étoiles ludoviciennes » en hommage à Louis XIV.

LE TRIOMPHE DE SATURNE PAR NOËL COYPEL
(Musée national du Château de Versailles)
A Versailles, ces découvertes scientifiques font leurs chemins et influencent le peintre Coypel. Ses deux tableaux sont organisés de la même façon : en arrière-plan, la divinité sur son char, tiré par des aigles pour Jupiter, et par des dragons dans le cas de Saturne. Au premier plan, figure une femme représentation allégorique de la planète. Elle est accompagnée de nourrissons joufflus, les putti, reliés par une guirlande. Au nombre de quatre sur le tableau de Jupiter, et de trois pour Saturne, ils symbolisent les satellites récemment découverts autour des deux planètes.
Rappelons également que la création de l’Académie des Sciences officialise le divorce entre astronomie et astrologie. Pourtant, cette dernière figure en bonne place sur les deux tableaux. Dans les angles inférieurs, on notera la présence du signe du Sagittaire sur le tableau de Jupiter, ainsi que le Capricorne et le Verseau sur le tableau mettant en scène Saturne.
Ainsi, si Coypel a su tenir compte des dernières découvertes scientifiques au moment de la réalisation de son œuvre, il montre également l’emprise de l’astrologie dans la société.
