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L'étonnant succès de l'astrologie


Depuis près de 4000 ans astronomie et astrologie se côtoient. Pourtant, malgré des progrès scientifiques considérables, l'astrologie continue aujourd'hui de séduire les foules. Tentative d'explications.

Il y a des chiffres qui font peine à entendre : chaque jour en France, des millions d’horoscopes sont publiés à travers tous les médias. Et selon une enquête de la Sofres parue en 2010, 62% des personnes interrogées lisent leur horoscope chaque jour et 41% déclarent croire à l'explication des caractères par les signes astrologiques. A une époque où l'astrophysique est capable d'expliquer l'histoire de l'Univers sur près de 14 milliards d'années, tout en démontrant par ailleurs que la Terre n'y occupe aucune place privilégiée, comme expliquer que le commun des mortels continu d'accorder un quelconque crédit pour l'astrologie ? Une première explication tient sans doute dans le fait, qu'une grande partie de la population confond les deux disciplines. Même si c'est difficile à entendre pour l'astronome moderne, il est vrai que les deux activités partagent un passé commun.

NAISSANCE DE L'ASTROLOGIE L’astrologie occidentale est née 2500 avant J.-C, en Mésopotamie. A cette époque, les planètes sont considérées comme des dieux bienveillants, qui préviennent toujours de leur intention via des signes célestes. Dès lors, les astronomes scrutaient attentivement les mouvements des planètes.

Cependant, l'interprétation revenait aux astrologues, dont le rôle était de conseiller les dirigeants dans les décisions à prendre pour l'avenir du pays. A force d'observations, les astronomes babyloniens finirent par constater que les planètes, mais également la Lune et le Soleil, se déplacent toujours dans la même zone du ciel. Ils inventèrent alors 18 constellations pour marquer la route célestes des astres errants. Ces premières constellations sont à l'origine de notre zodiaque (du grec zôdiakos, dérivé de zôon, figurine animale).

Cette situation ne changea pas jusqu'au Vème siècle av J.-C, lorsque les modèles mathématiques eurent acquis suffisamment de précision pour prévoir longtemps à l'avance les mouvements planétaires. De ce fait, l'imprévisibilité disparue et l'astrologie d'état perdit de son importance. Mais c'était sans compter sur la créativité des astrologues qui, vers 410 av J.-C, inventèrent l'astrologie généthliaque (lié au jour de la naissance). Dans le même temps, le zodiaque fut réduit à 12 constellations. Rapidement, les signes font leur apparition. Ils sont définis comme le découpage de l'écliptique en 12 parties égales, se superposant approximativement sur les constellations de tailles inégales, dont elles empruntent le nom.

Différence entre le zodiaque des astronomes et celui des astrologues

EN BLEU, LES CONSTELLATIONS DU ZODIAQUE (ASTRONOMIE)

ET EN ROUGE LES SIGNES ASTROLOGIQUES CORRESPONDANT.


L'APPORT DE LA SCIENCE GRECQUE La rencontre entre l'astrologie babylonienne et la science grecque n’a véritablement lieu qu’au retour des conquêtes d’Alexandre le Grand, vers 330 av J.-C. Associée à la conception géocentrique d'Aristote, l'astrologie va faire merveille. Cette idée postule que la Terre est au centre de l'Univers et du mouvement de tous les astres. Avec ce concept, il est tout à fait normal de penser que les astres ont une influence sur la Terre et donc sur l'homme.


Pourtant, lorsque Ptolémée réalisera la synthèse des connaissances scientifiques au IIème siècle après J.-C, il prendra soin de séparer les deux disciplines : alors que l'Almageste est consacré à l'astronomie, le Tétrabible résume l'astrologie.

LE DIVORCE Les choses n'évolueront guère jusqu'au XVIIème siècle. Et bien souvent, lorsque les astronomes seront soutenus par les souverains, ce sera davantage pour leurs connaissances astrologiques que pour leurs recherches astronomiques.

Avec la révolution copernicienne et l'invention des lunettes et télescopes, notre vision du ciel va changer : la Terre n'est plus le centre de l'Univers, les distances entre les objets célestes éclatent. L'astrologie se retrouve discréditée par les progrès de la Raison. En France, le divorce est prononcé en 1660, lorsque Colbert interdit l'enseignement de l'astrologie à la Sorbonne. Six ans plus tard, lors de la création de l'Académie des Sciences, l'astrologie est définitivement écarter du domaine des sciences.

position réelle des étoiles formant la constellation de Cassiopée

LES ÉTOILES QUI COMPOSENT LES CONSTELLATIONS SONT SITUÉES A DES DISTANCES DIFFÉRENTES DE LA TERRE, ET N'ONT AUCUN LIEN ENTRE-ELLES

Après le triomphe du positivisme au XIXème siècle, personne n’imagine que le retour de l’astrologie soit possible. Et pourtant ! Les années 1930 voient le retour des horoscopes dans les journaux. Quarante ans plus tard, c'est l'apparition des premières émissions de radio entièrement dédié. Sur la TNT, l'astrologie à une chaîne entièrement dédiée. Aujourd'hui, l'informatique se charge de répandre l'épidémie. A l’époque du Minitel, on référençait plus de 700 codes liés à cette pratique. Avec l’Internet, c’est plus de 8 millions de réponses. Comment expliquer un tel succès ? Comment est-il possible qu'en ce début de XXIème siècle, à l'heure des technologies de pointe et dans une société où la science occupe une large place, l'astrologie ai autant d'adeptes ?

QUEL PUBLIC ? Tout d'abord précisons que le public qui s’intéresse à l'astrologie est très vaste : elle touche toutes les personnes, quelles que soient leur appartenance sociale et leur culture, du simple citoyen à l’homme politique. Et en pratique, savoir ce que nous réserve l'avenir intéresse n'importe quel individu. Relevons également ce paradoxe : alors que les kiosques sont remplis de magazine pour « jardiner avec la Lune », statistiquement, les agriculteurs représentent la classe de la population qui s’y intéresse le moins !

Malgré les efforts de vulgarisation scientifique entreprit, on constate que malheureusement, le public est souvent ignorant des dernières découvertes, particulièrement en astronomie. Sa conception de l’espace est souvent limitée ou erronée. Mon expérience d'animateur de planétarium me le rappelle chaque jour : bien souvent, le grand public n'est pas capable de donner le nombre exact de planètes dans le système solaire. Quant à savoir que ce dernier se situe dans une galaxie, c'est un cap bien difficile à franchir.


A la méconnaissance de la science en générale, s'ajoute une perception de celle-ci comme une menace par la population. Les découvertes scientifiques du XX ème siècle et leurs conséquences (bombes atomiques, catastrophes de Tchernobyl ou de Fukushima, manipulations génétiques, etc) ont contribué à forger l’idée que le chercheur est un apprenti sorcier d’un genre nouveau.

Dans ce cas, pourquoi faire confiance aux scientifiques ? Il y a quelques temps, l'homme politique André Santini déclarait : « les astrologues que je consulte ne sont pas plus incompétent que les soit disant experts du monde économique qui ne voient pas arriver la crise dans laquelle nous sommes, et qui malgré cela, continuent de nous conseiller ». Dans ces conditions, argumenter scientifiquement contre l'astrologie n'a qu'un intérêt très limité.

RASSURER L'INDIVIDU Force est de constater que si l’astrologie continue d’exister, et prend de l’essor, c’est qu’elle répond à un besoin pour lequel ni la science, ni la religion n’apporte de réponse satisfaisante.

L'avenir est par définition incertain. Si, dans une certaine mesure, la science permet de connaître l'avenir, elle n'apporte qu'une réponse globale. Ainsi, les astronomes peuvent annoncer le fin de la Terre et du Soleil dans environ cinq milliards d'années, lorsque notre étoile aura épuisé son énergie. Quant aux religions, elles apportent des réponses permettant de rendre supportable les dysfonctionnements de la société, mais pas forcément de les corriger.

Or, ce qui intéresse l'individu, c'est de connaître son avenir proche et personnel, pas celui de l'humanité. Lorsque nous sommes confrontés à un choix difficile (achat immobilier, créer sa propre entreprise, prendre une décision politique qui engage l’avenir du pays), il est très tentant de se tourner vers l’astrologie, qui apporte une réponse rassurante et individualiste. L’astrologue joue la proximité, et parle exclusivement du personnel, de ce qui va vous arrivez à vous, et pas à votre voisin. L’illusion de cette « exclusivité » est augmentée par la demande astrologique des coordonnées de naissance propres à chacun. L’horoscope fonctionne car il se sert habilement des faiblesses humaines, à commencer par l’égocentrisme, phénomène en plein développement dans nos sociétés de plus en plus individualistes. De plus, au désordre sur Terre, l'astrologie répond qu’un ordre immanent existe dans le ciel, organisation que n'importe quel individu est capable de comprendre, car la symbolique astrologique est étonnamment simpliste (le Lion, c’est la force ; Vénus, c’est l’amour, alors que Mars, par sa couleur rouge, ne peut être que maléfique), alors que les sciences sont perçues comme hermétiques par l'ensemble de la population.

LA FAILLIBILITÉ DU CERVEAU Le plus souvent, les prédictions astrologiques sont fausses. On peut d'ailleurs s’étonner que l’astrologie, dont le but est de prédire la destinée de chaque être humain, ne soit pas capable de prédire les événements majeurs qui affectent plusieurs milliers d’individus simultanément ! Ainsi, bien peu d'astrologues ont prédit l'attentat du World Trade Center en 2001, le tsunami en Asie en 2005, ou plus récemment les attentats de Paris en 2015. Il y a deux cent ans, Voltaire s’étonnait déjà que les victimes du tremblement de terre de Lisbonne soient toutes de signe astrologique différent et que leur horoscope n’ait pas prédit ce qui était un événement majeur de leur vie.

Voltaire : les astrologues n'ont pas le privilège de toujours se tromper.

Mais c'est sans compter sur la faillibilité de notre cerveau. En effet, celui-ci ne retient pour ainsi dire que le positif, généralement, ce qui confirme notre idée première, et élimine les réponses non satisfaisantes. Pour s’en convaincre, il suffit de faire le point sur votre vécu : à moins que vous n’ayez eu une vie particulièrement malheureuse, vous vous rappelez essentiellement des expériences qui ont été positives pour vous. Il en va de même pour l'astrologie. Sur la quantité de prédictions que fera un astrologue, certaines se révéleront justes. Et c’est bien le contraire qui serait anormal. Comme le disait Voltaire : « les astrologues n’ont pas le privilège de toujours se tromper ». Ainsi, mêmes si les prévisions se contredisent les unes les autres, notre cerveau ne retiendra que celle qui nous arrange, ce qui suffit à confirmer les certitudes des adeptes de l'astrologie.

RÔLE SOCIAL ET APPÂT DU GAIN Un autre aspect dans le succès de l'astrologie est certainement son rôle social. Face à une médecine qui se déshumanise, l’astrologue joue un rôle social, un peu à la manière d’un psychologue. Il devient un thérapeute d’un nouveau genre en apportant un certain réconfort à son client, qui est prêt à payer sans contrepartie de remboursement. Pourtant, si l'on peut reconnaître que l'astrologie apporte un certain réconfort dans une vie bien souvent absurde, il existe un danger bien réel : celui de penser que notre route est réellement prédestinée, et de croire que ce qu’annonce l’astrologue va réellement se produire, quoi que l’on fasse.

Billet du jeu "astro" de la Française des Jeux

Le monde qui nous entoure prouve en permanence les progrès permis par la science et la raison, mais cela n’empêche pas les gens de préférer les pseudosciences et la superstition. En général, les gens croient ce qu’ils veulent croire, ce qu’ils jugent réconfortants, pas ce que les preuves réelles démontrent. Entre croire et savoir, le choix est vite fait !

A cela s'ajoute l’appât du gain. Le marché de l'astrologie pèse près de 4 milliards d'euros. On comprend donc que l’État soit frileux quant à réglementer cette pratique. D'autant plus que lui-même est complice en proposant le jeu de grattage « Astro ».


RÉENCHANTER LA SCIENCE Il ne faut pas oublier non plus que face au sentiment angoissant du hasard, le public a besoin de rêver. Et là, les sciences ont un vrai rôle à jouer. Aujourd'hui, plus que jamais, il est nécessaire de réenchanter la science, sous peine de voir les charlatans le faire à notre place. Plus que jamais, il est important de lutter contre l’ignorance, les idées reçues, les para-sciences et d’expliquer au public que les progrès des connaissances scientifiques sont présents partout au quotidien. Et qu'en soit, la science en elle-même n'est ni bonne, ni mauvaise. Tout dépend de l'usage que l'homme en fait.

 



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